Les dispositions de l’article 239 ter du CGI soumettent les sociétés civiles de construction-vente au régime fiscal dit des sociétés de personnes dès lors que trois conditions se trouvent cumulativement remplies : la société doit avoir pour objet la construction d’immeubles en vue de la revente, ne pas être constituée sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et leurs statuts doivent prévoir la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. Sous l’impulsion de la jurisprudence la condition relative à l’objet de la société se trouve dédoublée. La société doit se livrer, en pratique, à des opérations de construction-vente d’une part, ses statuts doivent être limités exclusivement à ce type d’opération d’autre part.
Des décisions récentes des juridictions du fond viennent rappeler l’importance du soin qu’il convient d’apporter à la rédaction de l’objet statutaire de ces sociétés civiles pour bénéficier de ce régime. C’est ainsi que la cour administrative d’appel de Lyon a décidé dans un arrêt du 14 juin 2018 (n°17LY01630) qu’une société qui avait pour objet la « réhabilitation » d’un immeuble « en vue de sa revente » ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 239 ter du CGI et était automatiquement assujettie à l’impôt sur les sociétés à raison du caractère commercial de son activité. La Cour fait primer l’objet statutaire en ne vérifiant pas si, en l’espèce, compte tenu de l’ampleur réelle des travaux entrepris, la société s’était livrée à une activité de construction-vente. Cette décision se situe dans le droit fil d’autres jurisprudences ayant déchu du régime de l’article 239 ter du CGI des sociétés dont l’objet social ne se limitait pas exclusivement à la construction et à la vente d’immeubles mais s’étendait à d’autres activités fiscalement commerciales, ou dont l’objet statutaire était incomplet. Par exemple, la cour administrative d’appel de Nantes a jugé que si une société, dont l’objet statutaire est la construction-vente sur des terrains limitativement énumérés, se livre, sur d’autres terrains qui seuls sont à l’origine des bénéfices imposables, à des opérations de construction d’immeubles en vue de leur vente, elle sort du champ d’application de l’article 239 ter du CGI (CAA Nantes 01.06.2017 15NT03540).
Cette interprétation éminemment formaliste semble être en décalage avec un autre courant jurisprudentiel qui fait preuve d’avantage de souplesse lorsqu’il s’agit d’apprécier, une fois passé l’examen de l’objet statutaire, l’activité réelle de la société. Tout d’abord le Conseil d’État a décidé dans un arrêt SCI Virapipn Apou (CE 28 novembre 2012 n°332110) que le fait que la société civile de construction vente se livre, outre cette activité, à une autre activité civile n’était pas de nature à l’exclure du champ d’application de l’article 239 ter du CGI. Ensuite, dans un arrêt du 4 mai 2016 (n°383135), la haute-juridiction a admis que le fait pour une société civile de construction-vente de donner à bail des appartements n’ayant pas trouvé acquéreur à l’issue de l’opération de construction ne pouvait avoir pour effet de l’exclure du dispositif dérogatoire prévu à l’article 239 ter du CGI si cette activité peut être qualifiée de nécessaire et accessoire. La cour administrative d’appel de Marseille (n°14MA00304 du 31 mai 2016) a maintenu l’application du régime de l’article 239 ter du CGI à une société qui outre des opérations de construction-vente s’était livrée à la vente d’équipements mobiliers et de linge de maison. Selon la cour, ces opérations, bien que présentant un caractère commercial, ont été considérées comme accessoires à la construction-vente des appartements d’une résidence de tourisme.
On notera toutefois que le rigorisme auquel s’attache la jurisprudence dans la délimitation de l’objet statutaire pourra, en pratique, être un moyen de ne pas se voir imposer les dispositions de l’article 239 ter du CGI dont l’intérêt, compte tenu de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés et l’institution du régime de l’intégration fiscale, s’est amoindri depuis son introduction en 1964. En effet, dès lors que les conditions propres à son application se trouvent remplies, le contribuable ne dispose d’aucune option quant au choix de son régime fiscal, or celui-ci peut, selon les cas de figures, avoir intérêt à privilégier une taxation à l’impôt sur les sociétés.
En tout état de cause, il conviendra d’apporter une vigilance accrue lors de la rédaction des statuts dans la mesure où une contestation de la part de l’administration fiscale du régime fiscal applicable peut, compte tenu des règles de prescription, comporter un risque de double imposition économique.
Jean-Baptiste LORILLON