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Pacte Dutreil : le législateur reprend le pouvoir quant aux activités éligibles au dispositif

Précisions apportées par la loi de finances pour 2024

Sans bouleverser le dispositif Dutreil visé aux articles 787 B et 787 C du Code général des impôts, l’article 23 de la loi de finances pour 2024 apporte des précisions sur la nature des activités éligibles à l’exonération de droits de mutation à titre gratuit.

Une occasion pour le législateur de réagir aux débats nourris par de récentes jurisprudences s’agissant de l’éligibilité des activités de location meublée/équipée au dispositif et celle des holdings animatrices de groupe.

De cette manière, le législateur reprend le pouvoir et coupe court notamment au débat initié par les hautes juridictions judiciaire et administrative en définissant les activités commerciales par renvoi aux articles 34 et 35 du Code général des impôts en excluant les activités de gestion du propre patrimoine mobilier et immobilier du contribuable.

La Cour de cassation avait en effet ouvert la boîte de Pandore en jugeant dans deux arrêts (Cour de cassation, chambre commerciale, 1er juin 2023 n° 22/15.152 ; Cour de cassation, chambre commerciale, 21 juin 2023 n° 21/18.226) que les juges du fond ne pouvaient pas rejeter l’application de l’exonération Dutreil sans avoir recherché si la société ne poursuivait pas l’activité commerciale de loueur d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation.

Dans un arrêt du 29 septembre 2023 n° 473972, le Conseil d’État avait également suivi la Cour de cassation en jugeant qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre le dispositif Dutreil et l’activité de location meublée.

Les articles 787 B et 787 C du CGI excluent désormais nettement ces activités du périmètre de l’exonération Dutreil laissant toute sa portée à la doctrine administrative qui renvoyait pour l’appréciation de la nature de l’activité aux commentaires en matière d’IFI.

Cette position fait écho à la doctrine administrative en matière de réinvestissement économique dans le cadre du maintien du report d’imposition de l’article 150-0B ter du CGI (BOI-RPPM-VBMI-30-10-60-20 n° 110) prévoyant également que bien qu’assimilées fiscalement à des activités commerciales, certaines activités commerciales visées aux articles 34 et 35 du CGI constituent des activités de gestion de son propre patrimoine immobilier inéligibles au remploi (cas des locations meublées et équipées).

Autre précision attendue s’agissant des activités dans le périmètre de l’exonération Dutreil, l’éligibilité des holdings animatrices de leur groupe est également confirmée directement par le texte légal après avoir été approuvée par la doctrine administrative et la jurisprudence.

En effet, classiquement orienté sur les transmissions de parts de sociétés commerciales, industrielles, agricoles, libérales à l’exclusion des activités de nature civile, la pratique et l’organisation sociétaire des groupes de sociétés autour de sociétés holdings avait nécessité une interprétation du dispositif Dutreil.

Ainsi, les sociétés holding, exerçant par essence une activité financière de gestion de leurs participations – soit une activité de nature civile – pouvaient être considérées comme de facto exclues de l’exonération partielle Dutreil en cas de transmission à titre gratuit de ses parts ou actions.

Dans un premier temps, la doctrine administrative avait admis que les sociétés ayant une activité mixte (civile et opérationnelle) étaient éligibles au dispositif dès lors que l’activité civile n’était pas prépondérante.

Cette exigence est désormais confirmée par le texte qui précise que le critère de l’exercice d’une activité opérationnelle est apprécié à titre principal et non à titre exclusif.

Par ailleurs, par tolérance, la doctrine administrative puis la jurisprudence avaient également assimilé les sociétés holding animatrices de leur groupe à des sociétés opérationnelles ce qui est désormais confirmé par le deuxième alinéa de l’article 787 B du CGI.

La loi de finances pour 2024 profite de cette inclusion pour offrir une définition légale à la holding animatrice qui suivait jusqu’alors la définition prétorienne offerte par le Conseil d’État dans un arrêt du 13 juin 2018 n° 395495 reprise par le législateur dans les dispositions relatives à l’exonération des biens professionnels à l’IFI (CGI, art. 966, II).

L’article 787 B du CGI prévoit désormais qu’est considérée comme ayant une activité commerciale la société qui « outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».

La seule nuance de cette définition avec celle utilisée en référence en jurisprudence et par la doctrine administrative repose sur l’inclusion de l’animation de sous filiales plutôt que de simples filiales.

On pourra toutefois regretter que cette légalisation des jurisprudences récentes ne clarifie pas la notion de prépondérance de l’activité d’animation toujours laissée à l’appréciation d’un faisceau d’indices depuis l’annulation du double critère bilantiel de prépondérance antérieurement fixé par la doctrine administrative (Conseil d’État, 3ème, 8ème chambre réunies, 23 janvier 2020 n° 435562).

Mathilde NoirLucas Pilato

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09/01/2024