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Taxes sur les salaires : une décision du Conseil d’État aux enjeux importants !

Par un arrêt du 31 mars 2023, le Conseil d’État tranche (enfin) la question du champ d’application de la taxe sur les salaires, dont la définition n’a pourtant pas sensiblement évolué depuis 1968.

Pour mémoire, l’article 231 du Code Général des Impôts précise que sont assujettis à la taxe les personnes ou organismes qui emploient des salariés « lorsqu’ils ne sont pas assujettis à la TVA ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédent celle du paiement desdites rémunérations ».

Si le Conseil d’État avait déjà interprété les dispositions de l’article 231 du CGI dans un arrêt Sté des Brasseries et Casinos Les Flots Bleus (CE, 7e et 9e ss-sect. 21 mai 1986), la décision a été source de confusion pour de multiples raisons, donnant naissance à des contentieux fiscaux et des positions divergentes des cours administratives d’appel (CAA Nantes, 1re ch. 26 novembre 2020, n°20NT01871 ; CAA Paris, 2e ch. 26 novembre 2015, n°14 PA0283).

En effet, le Conseil d’État avait jugé que n’étaient pas redevables de la taxe sur les salaires pendant une année civile « les personnes ou organismes qui, au cours de cette année ont été assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée même sur une partie seulement de leurs opérations ou qui, durant l’année précédente l’ont été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires. »

Il avait donc précisé des critères de non-assujettissement à la taxe qui pouvaient être estimés comme alternatifs.

Dans le cas d’une entreprise assujettie totalement à la TVA au titre d’une année n, au regard de cet arrêt, du courant jurisprudentiel majoritaire et de la doctrine privée, il était usuellement considéré qu’elle devait échapper complètement à la taxe sur les salaires.

Cette interprétation des dispositions du CGI et de la décision du Conseil d’État paraissait cohérente avec l’origine de la taxe sur les salaires et sur le fait qu’un employeur ne devrait pas être à la fois taxable à la TVA et à la taxe sur les salaires au titre d’une même année.

Il s’agit du cas jugé par le Conseil d’État dans sa décision en date du 31 mars 2023. La société Legris Industries avait été assujettie à la TVA sur l’intégralité de son chiffre d’affaires au titre de la période correspondant à l’année 2012. Toutefois, l’administration a considéré qu’elle devait être également soumise à la taxe sur les salaires au titre de cette même année au motif qu’elle n’avait pas été soumise, au titre de l’année précédente, à la TVA sur au moins 90 % de son chiffre d’affaires.

Le Conseil d’État a suivi l’analyse de l’administration fiscale et rappelé, par un même arrêt, tant les conditions d’assujettissement que d’exonération de la taxe sur les salaires en considérant que les conditions d’assujettissement sont alternatives et qu’a contrario, les conditions d’exonération sont cumulatives.

Par une approche littérale des dispositions de l’article 231 du CGI, le Conseil d’État a jugé que : « sont redevables de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d’une année civile (…), d’une part, les personnes ou organismes dont le chiffre d’affaires de cette année n’est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, d’autre part, les personnes ou organismes dont le chiffre d’affaires de l’année précédente n’a été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée qu’à hauteur d’une fraction n’excédant pas 10 %. »

Sur ce point, le Conseil d’État reprend assez clairement les conditions du Code Général des Impôts en prévoyant deux situations alternatives d’assujettissement à la taxe. La préposition « ou » est ici remplacée par « d’une part » et « d’autre part ». En revanche, il est possible de s’interroger sur les raisons pour lesquelles les juges ont étrangement décidé de s’écarter de la lettre du texte en faisant référence à une fraction du chiffre d’affaires « n’excédant pas 10 % ».

Mais l’apport principal de l’arrêt réside dans la précision faite qu’il « en résulte inversement que, pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d’une année civile, une personne ou un organisme doit, non seulement être assujetti cette année-là à la taxe sur la valeur ajoutée sur une partie au moins de son chiffre d’affaires, mais aussi l’avoir été l’année précédente à hauteur d’au moins 90 % de son chiffre d’affaires. »

Ici, le Conseil marque clairement la réalisation d’une interprétation a contrario des conditions d’assujettissement à la taxe et la nécessité de satisfaire des conditions cumulatives afin de ne pas entrer dans son champ d’application.

Loin d’être purement sémantique, la précision du Conseil d’État emporte des conséquences pratiques importantes en donnant force à un courant jurisprudentiel et doctrinal qui était jusque-là considéré comme étant minoritaire.

Cette décision a pour effet d’attraire dans le champ d’application de la taxe sur les salaires des entreprises assujetties intégralement à la TVA et il est intéressant de noter que le rapporteur public indique dans ses conclusions ne trouver ni dans la lettre, ni dans les travaux préparatoires l’idée selon laquelle l’assujettissement à la TVA une année donnée sur l’intégralité du chiffre d’affaires exclurait l’assujettissement à la taxe sur les salaires au titre de la même année.

Le Conseil d’État marque ainsi un nouveau pas vers l’autonomie de la taxe sur les salaires au regard de la TVA.

En raison de cette récente décision, les entreprises auront donc tout intérêt de s’interroger sur leur possible assujettissement à la taxe sur les salaires et éventuellement la constitution de secteurs d’activité distincts qui nous le rappelons permettent d’appliquer aux salariés affectés spécialement à ces secteurs, le rapport d’assujettissement qui leur est propre.

Nos équipes sont à votre disposition pour vous accompagner dans le cadre de l’évaluation de l’impact de cette décision sur votre entreprise.

Loïc Broise

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22/05/2023