Cass. Civ. 3e, 23 mai 2019, 17-17.908.
La loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 qui a introduit la vente en état futur d’achèvement (VEFA) poursuivait deux objets. D’abord, établir une règlementation relative à la vente d’immeubles futurs, avec l’instauration de la VEFA fixant les principes en la matière, puis, instaurer un corps de mesures spéciales dont le but est d’assurer une protection renforcée de l’acheteur, le « secteur protégé », qui s’applique dès lors que les locaux à édifier sont à usage d’habitation ou mixte et dont l’acquisition doit donner lieu au versement de somme d’argent avant achèvement (article L 261-10 du Code de la construction et de l’habitation).
Traditionnellement, la jurisprudence considérait que les immeubles à usage touristique ou hôteliers étaient exclus du secteur protégé. Le fait d’acquérir dans de telles résidences, où l’acquéreur loue le bien via un bail commercial, permettait de considérer que l’on se situait hors secteur protégé (notamment CA PAU, 5 février 2010, n° 08/02820 ; CA ROUEN, 29 juin 2011, n° 10/04844 ; Cass. Civ. 3e, 20 décembre 2012, n° 11-25.424).
Cependant, dans une série d’arrêts publiés au bulletin du 7 janvier 2016 (Cass. Civ. 3e, 7 janvier 2016, n°s 14-29.655 à 14-29.676), la Cour de Cassation, concernant un projet de rénovation d’un immeuble destiné à devenir une résidence sénior, considère que les règles du secteur protégé sont applicables à l’opération après avoir relevé que les ventes comportaient transfert de propriété de lots d’un immeuble, que les travaux de restructuration n’étaient pas terminés au jour de la vente et que les acquéreurs avaient réglé intégralement le prix d’achat dans les jours suivant celle-ci et constaté que les lots vendus étaient des appartements meublés à usage d’habitation principale, avec chacun salle de douche, toilettes, cuisine, destinés à être habités à l’année par des personnes âgées.
Dans l’affaire jugée le 23 mai 2019, l’opération concernait un château classé à transformer en résidence hôtelière de vingt-deux logements.
L’acte authentique de l’acquéreur requérant est signé le 15 septembre 2006 pour 318.996,52 € payé comptant avec un séquestre de 79.955,71 € pour garantir l’achèvement des travaux par le vendeur au plus tard le 31 décembre 2016.
Le bail commercial est régularisé en juillet 2006, mais l’avancement du chantier stagne lequel est finalement abandonné en septembre 2007. Le promoteur et le maître d’œuvre feront ensuite l’objet d’une liquidation judiciaire quelques mois plus tard.
Les acquéreurs recherchent la responsabilité du notaire et lui reprochent de ne pas leur avoir conseillé une VEFA avec une garantie d’achèvement.
En jeu, l’application ou non du secteur protégé à la situation. Les conseils des notaires font valoir que l’ensemble immobilier est à usage de résidence hôtelière et que l‘acquisition a été réalisée en vue de profiter du dispositif dit du loueur meublé professionnel et qu’à cette fin un bail commercial avec la société devant exploiter commercialement les locaux a été consenti.
La Cour de cassation réitère sa position de 2016 et approuve les juges du fond d’avoir constaté que l’avant contrat mentionnait la vente d’un deux pièces en duplex avec mise en place d’une copropriété tandis que l’acte authentique stipulait que les locaux achetés étaient à usage d’habitation « et retenu exactement que peu importaient les modalités de gestion en résidence hôtelière de ce bien ou de l’immeuble dont il dépendait ». En somme, la finalité prévaut sur le mode d’exploitation.
Cette ligne jurisprudentielle doit être approuvée pour au moins deux raisons. En premier lieu l’article D 321-1 du Code de tourisme définit la résidence de tourisme comme « un établissement commercial d’hébergement classé (…). Elle est constituée d’un ou plusieurs bâtiments d’habitation individuels ou collectifs (…) ». En second lieu, l’article L 631-2 alinéa 2 du Code de la construction et de l’habitation précise que « constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les (…) logements inclus dans un bail commercial (…) ».
En définitive, les promoteurs, dans le cadre de vente en état futur d’achèvement ou de rénovation, de résidences étudiantes, séniors ou hôtelières devront maintenant et impérativement proposer des VEFA ou des ventes d’immeubles à rénover (VIR), selon le cas, du « secteur protégé ».
Le « secteur protégé » impose de respecter certaines obligations concernant le formalisme du contrat conclu, la régulation des échelonnements de paiement ainsi que la souscription d’une garantie extrinsèque d’achèvement.
Le non-respect de ces règles est sanctionné par la nullité du contrat de vente.
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