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Fin du “verrou” de Bercy : des contribuables sous les verrous ?

La loi n°2018-898 relative à la lutte contre la fraude a été publiée au journal officiel le 24 octobre dernier. Elle met fin à un monopole presque centenaire du Ministre du Budget sur l’initiative des poursuites pénales en cas de fraude fiscale.

Au nom de l’égalité devant l’impôt, qui dans leur esprit inclut l’égalité devant la répression pénale, les parlementaires ont voté, à l’article 36 de la loi, une mesure qui oblige l’administration fiscale à dénoncer au procureur les faits qu’elle a examinés dès lors qu’un contrôle fiscal (sur pièce ou sur place) s’est traduit par une rectification en droits d’un montant supérieur à 100.000 euros et que les droits rappelés ont été assortis de certaines pénalités limitativement énumérées par le texte. Ne sont concernées que les propositions de rectification adressées à compter de la publication de la loi.

Parmi les pénalités visées, figurent notamment la pénalité de 80% pour abus de droit et la pénalité de 40% pour manquement délibéré, mais seulement en cas de récidive en ce qui concerne cette dernière (la récidive étant appréciée sur une période de six années civiles).

Autant dire que les pénalités les plus fréquemment appliquées par les services de contrôle vont à l’avenir déclencher des signalements systématiques au parquet alors même que les faits concernés ne sont pas de la nature de ceux que l’administration fiscale a l’habitude de renvoyer devant les tribunaux correctionnels.

Avec quel moyens les procureurs vont-ils faire face au raz-de-marée de signalements qui s’annonce ? et surtout quelles suites vont-ils leur réserver ? Personne ne peut le dire aujourd’hui et rien ne garantit qu’une politique cohérente au niveau national émergera de ce nouvel axe répressif.

La mesure crée ainsi une incertitude juridique sans précédent pour tous les acteurs économiques, du particulier redressé sur le fondement de l’abus de droit pour une affaire de donation déguisée au mandataire social de l’entreprise auquel il est reproché un acte anormal de gestion en passant par les conseils, avocats, notaires, experts-comptables, banquiers, etc. impliqués au quotidien dans la production des déclarations et des actes utilisés pour l’établissement de l’impôt.

La responsabilité pénale va se retrouver au cœur de la décision fiscale mettant sous pression toutes les parties prenantes du processus de détermination de la charge fiscale.

Une telle évolution ne peut avoir qu’une influence majeure sur les comportements de ces acteurs.

Jérôme QUEYROUX

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